Madame Torbeyns,

 

Je fais suite à votre courriel du 5 courant, ainsi qu’à notre agréable entretien téléphonique de ce lundi 8.5.

 

Je n’ai pas manqué d’examiner votre demande, et de lire attentivement l’avis rendu en ce dossier par la CADA le 6.3.2017.

 

Sur la procédure

 

La Cada a donc rendu son avis dans le cadre de la procédure organisée par les articles L3231-5 et suivants du CDLD (publicité passive). Elle est tenue de le faire dans les 30 jours de la réception de la demande (délai respecté d’après moi, puisqu’elle a reçu la demande du sieur Patrick par courriel du 7.2).

 

L’autorité administrative doit, quant à elle, communiquer sa décision d’approbation ou de refus de la demande de reconsidération au demandeur et à la Commission dans un délai de 15 jours à dater de la réception de l’avis. En cas d’absence de communication dans le délai prescrit, l’autorité est réputée avoir rejeté la demande.

 

Un recours devant le Conseil d’Etat est ouvert au demandeur contre cette décision.

 

Il me semble qu’en l’espèce, au vu du dossier que vous m’avez communiqué ce 5 courant pour avis, le délai de 15 jours doit être dépassé, s’agissant d’un avis de la CADA du 6 mars 2017 (je ne dispose pas d’information quant au moment où l’avis vous a été communiqué, mais je suppose qu’il l’a été  peu après le 6.3 ?). Si tel est bien le cas, la commune est réputée avoir répondu négativement à la demande de reconsidération, en manière telle que le demandeur originaire peut introduire un recours devant le Conseil d’Etat (si ce n’est déjà  fait).

 

Malgré ces éléments, examinons les éléments de fond de ce dossier.

 

Sur le fond

 

La Commission a ainsi examiné chacune des causes d’exclusion facultative visées par l’article L3231-3 CDLD, au regard de la demande initiale de recevoir les notes de synthèse explicatives et des projets de délibération relatifs aux points de l’ordre du jour de la séance  du conseil communal.

Sur ce point, la CADA semble circonscrire la demande du sieur Patrick à la seule réunion du conseil communal du 13.2.2017 – cf. page 1 de l’avis, évocation du courriel du demandeur du 3.2.2017, évoquant « le prochain conseil communal »i, tandis qu’en p. 3 de son avis, elle cite un extrait du courrier de la commune du 21.2.2017, faisant état d’une demande qui porte sur « toutes les notes de synthèse qui seront soumises à l’avenir aux conseillers communaux ».

Qu’en est-il ? Une demande généralisée et systématique portant sur tous les conseils à venir permettrait, le cas échéant, d’invoquer une demande manifestement abusive ou répétée. La législation permet en effet aux autorités administratives de s’opposer « … à toute demande qui aurait pour but d’entraver la bonne marché de l’administration … » (voir à ce sujet : Les exceptions à la publicité des documents administratifs, chapitre 4 de l’ouvrage collectif sous la direction de Valérie Michiels, La publicité de l’administration – Vingt ans après, bilan et perspectives, Bruxelles, Bruylant, 2015, pp. 133 et ss.), tout en veillant à être très prudent avant de décider en ce sens (et en veillant à bien motiver semblable décision), puisque « … . Le caractère abusif de la demande doit être manifeste ; une évaluation in abstracto s’avère insuffisante. Dans cette perspective, il y a lieu, pour l’autorité administrative de distinguer le simple surcroît de travail engendré par la demande, d’une mise en péril de son organisation. Seul le second motif est de nature à pouvoir être qualifié de demande abusive. Au demeurant, ce caractère abusif ne peut « trouver son origine dans les manquements de l’administration elle-même, comme le manque d’effectifs ou l’absence d’un système d’archivage efficace des documents administratifs. Dès lors, la charge de la preuve qui s’impose à l’autorité administrative pour pouvoir invoquer cette exception facultative est relativement lourde. La motivation doit, bien entendu, être exposée de manière concrète, notamment en indiquant le nombre de pages à traiter, le temps nécessaire pour satisfaire la demande, etc. … » (idem).

 

Elle a ainsi estimé que la note de synthèse, même relative à un projet de délibération, n’était pas un document inachevé ou incomplet. Compte tenu de ce que le principe de la publicité est inscrit dans l’article 32 Const., les exceptions sont interprétées restrictivement. Le document inachevé ou incomplet, qui doit en outre être source de méprise, sera par exemple celui pour lequel son auteur a été interrompu en cours de libellé.

Sur ce point, les différentes CADA ont estimé que « … pour pouvoir être qualifié d’inachevé ou d’incomplet, il est exigé que le document administratif soit encore uniquement en circulation au sein de l’administration. … » (CADA fédérale, 2.9.2013, avis 2013-37), « la seule circonstance qu’un document peut éventuellement encore être modifié ne le rend pas ipso facto inachevé ou incomplet » (CADA fédérale, 8.8.2011, avis 2011-304), ou que « n’est pas considéré comme inachevé le document qui a atteint le statut de définitif et est revêtu de la signature de la personne compétente, et ce même si ce document sera encore susceptible de modification dans le cadre du processus de décision de l’administration »( CE, 28.6.2011, arrêt n°214.236).

 

Concernant l’avis ou l’opinion communiqués librement et à titre confidentiel à l’autorité, la CADA en précise bien les conditions. L’on vise donc bien des avis (non des faits ou des constats) qui doivent avoir été communiqués spontanément et librement, en dehors de toute obligation légale, communiquée expressément sous le sceau de la confidentialité. Il ne semble en effet pas que les notes de synthèse puissent être analysées comme telles.

 

Concernant la demande abusive ou répétée, compte tenu des apparentes contradictions soulevées plus haut, et sans connaissance du déroulement des antécédents, il m’est difficile de donner un avis sur ce point.

 

Cette analyse de la CADA en ses différents points me semble tout à fait conforme à la jurisprudence des différentes commissions d’accès (op. cit.), lesquelles – ainsi que je l’ai signalé plus haut et ainsi que la CADA wallonne le stipule expressément dans son avis (p. 5) – font une interprétation stricte des exceptions au principe constitutionnel de publicité.

 

La CADA conclut donc au principe de la communication des notes de synthèse, tout en précisant qu’il appartiendra à l’autorité administrative d’examiner pour chacun des points de l’ordre du jour demandé, si l’un ou l’autre de ceux-ci ne relèvent pas des exceptions à la publicité de l’administration, que cet examen «  devra … être explicité dans la décision relative à la demande d’accès, que, dans ce cadre, la partie adverse envisagera ces exceptions en tenant compte de ce que toute limite à la publicité de l’administration est de stricte interprétation, dès lors qu’elle restreint la portée d’un droit fondamental prévu par l’article 32 de la Constitution ».

 

Selon elle, il conviendrait donc, pour chacun des 25 points soumis au conseil communal lors de cette séance d’envisager :

-          Les exceptions obligatoires absolues (en principe sans marge de manœuvre, ni mise en balance des intérêts) : protection de la vie privée, obligations de secret instaurées par la loi, secret des délibérations du gouvernement fédéral ;

-          Les exceptions obligatoires relatives (mise en balance des intérêts protégés avec rejet de la demande d’accès dès que l’intérêt de la publicité ne l’emporte par sur les autres intérêts visés) : sécurité de la population, libertés et droits fondamentaux des administrés, relations internationales diplomatiques, ordre public, sûreté ou défense nationales, recherche ou poursuite de faits punissables, intérêt économique ou financier fédéral et monnaie ou crédit public, secrets d’affaires, atteinte à l’anonymat de la personne ayant communiqué un document ou une information à l’autorité administrative en vue de dénoncer un fait punissable ;

-          Les exceptions relatives évoquées plus haut.

 

Il conviendrait aussi d’examiner si certains de ces points présentent un caractère personnel pour, pour lesquels le demandeur doit justifier d’un intérêt.

 

 

J’espère que ces éléments vous seront utiles, et demeure bien entendu à votre disposition.

 

Veuillez agréer, Madame Torbeyns, l’assurance de ma considération distinguée.

 

 

Sylvie BOLLEN

Conseiller expert

Union des Villes et Communes de Wallonie asbl

Rue de l'Etoile 14

5000 Namur

Tél. 081/ 24 06 18 - Fax. 081/ 24 06 17

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